Le digital à la rescousse des grands magasins
Particulièrement exposés à la crise, les grands magasins ont déployé des initiatives digitales inédites l’an passé. Rencontre avec Selvane du Ménil, D.G. de l’International Association of Department Stores.

Selvane Mohandas du Menil, D.G. de l’International Association of Department Stores, était précédemment membre du Comex chez Sonia Rykiel
GRN : Pouvez-vous nous présenter l’IADS ?
Selvane du Ménil : L’IADS est un think tank dédié aux patrons de grands magasins. Il regroupe 12 géants mondiaux du secteur (Galeries Lafayette, Manor en Suisse, El Corte Inglés en Espagne, Breuninger en Allemagne, Falabella au Chili, SM aux Philippines…). Le CA annuel cumulé de nos membres dépasse € 31 milliards via 490 grands magasins et 233.000 employés. Notre mission est de promouvoir la coopération et d’identifier les modèles les plus efficients, en partageant les bonnes pratiques et les insights clés du marché via des ateliers de travail dédiés (catégoriels, marques propres…). Ces enseignes étant souvent détenues par des capitaux familiaux, elles ne sont pas soumises aux mêmes contraintes que celles appartenant à des fonds de pension.
Après avoir ciblé les tour-opérateurs chinois, les grands magasins doivent désormais parler aux clients locaux. Quel virage à 180°.
Pour certaines enseignes, c’est très vrai, notamment en France, en Espagne mais aussi au Danemark : il y a un vrai besoin de recentrer le discours et de s’adresser de nouveau à la clientèle locale. Mais à qui s’adresser, que vendre et comment, en l’absence de touristes ? Il faut reprendre de la voix, retrouver de la crédibilité en renouant le contact avec les clients locaux. L’Allemand Breuninger est particulièrement avancé dans ce domaine : en 2020, ils ont réussi à vendre à leurs clients locaux via Whatsapp et Facetime. Quand on connaît un peu les Allemands, on sait combien c’est difficile de pénétrer dans leur sphère sociale privée… Certains clients ont même reçu des sélections à tester à la maison. Et comme les traditions sont importantes, Breuninger a, entre autres, livré 200 lapins de Pâques à ses meilleurs clients. Nicolas Houzé (patron des Galeries Lafayette) a lui aussi créé la rupture en 2020, en envoyant des mails, directement à ses clients. Et la 1ère chose que le nouveau patron du Printemps a faite à son arrivée, c’est d’envoyer un e-mail aux clients finaux… chose que Paolo de Cesare n’avait jamais faite auparavant.
Les catégories mode, beauté et luxe sont aussi très exposées…
En Europe de l’Ouest, les ventes de mode féminine ont dégringolé en 2020. Dans ce secteur, ceux qui sont à -30 % sont contents. En maquillage, on est à -20 %. Mais la maison (décoration, petit équipement, produits électroniques, équipement de sport) tire les ventes. Tout ceci a des conséquences multiples sur l’agencement des magasins, la planification des achats et les actions marketing. A ce jour, il n’y a pas eu de ré-arbitrage drastique au profit d’une catégorie ou d’une autre, mais on voit des initiatives intéressantes. En Espagne, El Corte Ingles a lancé en septembre 2020 Decor Studio, un service d’architecture d’intérieur : le client est mis en relation avec des artisans et des décorateurs qui l’aident à penser l’aménagement de sa maison de façon globale…pas seulement à vendre des lampes et des coussins façon Ikea.